Chp.3: Le pacte
Sarah se réveilla. Elle se rendit compte qu’elle flottait dans une sorte d’épaisse fumée rouge. Elle toussa et regarda autour d’elle. Elle essaya de parler, mais rien ne sortit de sa bouche.
« Eh! C‘est où, là? Y’a quelqu’un? »
Des grognements, des cris rauques et des hurlements retentissaient de tous les côtés. Des visages effrayants et allongés ondulaient tout autour d’elle. Ils exprimaient la terreur et le désespoir. Sarah avait peur, mais elle ne bougeait pas. Elle n’avait pas toute sa tête. Soudain, le amas de visages et de fumée se transforma en tourbillon rouge et noir. Il tournoya autour de Sarah avant de s’évanouir dans un sifflement assourdissant. Sarah chuta pour recommencer à flotter. Ses pieds finirent par toucher un sol invisible, à la fois mou et rugueux. Tout autour d’elle était rouge. Des petits nuages verts circulaient gracieusement à la hauteur de ses épaules. Puis ils se dissipèrent tous dans un « pshhhhhhhhhhhhhh… » flûté. Une voix rauque et grave résonna dans cet espace étrange:
-Sarah, pourquoi es-tu ici?
-Je… aucune idée… Articula Sarah avec difficulté.
-Menteuuuuse!
Deux mains rouges et jaillirent d’une flaque d’eau verticale et invisible. Les bras étaient élastiques et les doigts longs et griffus. L’un d’entre eux s’enroula autour du cou de Sarah, l’autre lui immobilisa la tête.
-Souviens-toi… Reprit la voix. Souviens-toi!
Soudain, les images défilèrent devant les yeux de Sarah. Elle vit Claire sur un skate, et une voiture arriver… puis elle se vit elle-même courir sur la route, pousser Claire vers l’arrière et heurter le véhicule. Elle se vit dans un lit, à l’hôpital… La voix de la mère de Marco résonna: « Je suis désolée, nous venons de la perdre…». Sarah poussa un hurlement. Les mains la lâchèrent et elle tomba à genoux.
-Je suis morte!
Un ricanement sinistre se fit entendre.
-Oui! Reprit la voix. Tu es morte!
-Non! C’est une blague!
-Pas du tout, ma petite!
-Non, je… non!
-Et pourtant, si! Veux-tu revivre?
-Je… ben oui, quelle question!
-Très bien, je peux te rendre la vie, moi…
-Qui êtes-vous? Montrez-vous que je vois votre tronche!
-Si tu insistes…
Un vent souffla, soulevant les cheveux de Sarah et un spectre blanc apparut devant elle. C’était un spectre de femme. De longues boucles blanches fantomatiques flottaient derrière elle et deux yeux verts fluo scintillaient comme des autocollants fluorescents. Sarah admira la finesse de son visage angélique et la souplesse gracieuse de ses gestes. Ses longs bras de taille idéale finissaient par deux mains griffues aux doigts de pianistes et son sourire bienveillant éveillait la confiance de ses interlocuteurs.
-Je suis Setha, Dit-elle. J’ais besoin de quelque un de vivant pour sortir de ce trou perdu. Toi, tu peux m’aider. En échange, je te donnerais la vie.
-Vous voulez sortir d’ici? Ne comptez pas sur moi.
-Tu as tort. Tu ne peux pas savoir à quel point ça ferait plaisir à tes proches…
-Pardon?
Des bruits de pleurs retentirent. Sarah ne broncha pas. Les points fermés, les traits contractés, elle dévisagea Setha.
-C’est une blague? Dit-elle.
-Pour qui me prends-tu? S’énerva Setha. Imagine l’importance de la place que tu as dans leur cœur! Cela les rendrait tellement heureux de te voir revenir…
Les pleurs s’intensifièrent. Sarah se boucha les oreilles.
-Non, Murmura-t-elle. Non, je ne vous crois pas!
-Ta famille? Tes amis?
-Non!
Sarah tomba à genoux, les mains sur les oreilles. En temps normal, elle n’aurait pas réagit de cette façon, mais l’atmosphère de ce mystérieux endroit semblait la sensibiliser, la dévorer de l’intérieur, l’affaiblir peu à peu… elle devait prendre une décision avant de fondre entièrement.
-On dirait que la grande tête de mule est anéantie, Se moqua Setha. Sarah, es-tu sûre de ton choix?
-Non! Non, je… Ok, ok. Mais pas de bêtises Setha! J’ais déjà vu assez de films d’horreur pour connaître les volontés de… trucs comme vous.
-Quelle naïveté! Tu ferais presque pitié.
-Euh… Oui, bon… Comment vous allez vous y prendre pour me rendre la vie?
Setha ne répondit pas. Elle ferma les yeux puis un tourbillon jaune orangé souleva Sarah qui, prise d’un tournis, s’évanouit doucement. Quand elle se réveilla, elle était sous un drap. Elle le souleva et se redressa. Tout autour d’elle, des personnes s’affairaient sur des lits avec des corps, eux aussi sous des draps. Un hurlement retentit:
-Aaah! Une… une… une revenante!
-Quoi?! S’écria une autre voix.
Une femme en blouse blanche s’avança vers Sarah et la dévisagea d’un air perplexe.
-Sarah! Cria une femme derrière elle.
Sarah se retourna. Mme Hertz courait en sa direction. Elle la serra contre elle.
-Comment est-ce possible! Jubila-t-elle. Tu étais… tu étais…
-Oui, Répondit Sarah, enfin, non… je sais plus.
-Trêve de bavardages! Viens, je te ramène chez toi…
Elle fit descendre Sarah du lit et l’emmena dans le tramway. Arrivée devant chez elle, Mme Hertz sonna. La porte s’ouvrit et Jake apparut.
-Bonjour, madame, Dit-il en levant les yeux. Je peux faire quelque chose pour vous?
-J’ais une surprise pour vous, ça va vous plaire!
Sarah avança et se planta sur le paillasson, souriante.
-Sarah! Cria Jake. Je n’y crois pas! Attends, je rêve!
-Mais… non, tu ne rêves pas, Fit Sarah, souriante.
-Oh j’y crois pas! Maman! Viens voir!
-Que se passe-t-il, Jake? Répondit Mme Coluzzi en arrivant. Oh!
Elle dévisagea Sarah, ahurie.
-T’es pas contente de me voir? Ironisa Sarah.
-Oh! Sarah! Ma chérie! Comment… comment…
Elle serra sa fille à l’étouffer.
-Si tu savais comme tu mas manqué! Comment as-tu survécu? Comment… Oh, Sarah! Je…
Des larmes débordaient de ses yeux. Elle les essuya et regarda Mme Hertz avec reconnaissance.
-Comment a-t-elle pu… vous pensez à…?
-Pardon? Fit Brigitte. Je ne sais pas. Je trouve ça très bizarre. Peut-être une erreur de machine. Il faudra enquêter. En attendant, bonne journée.
-Je vous remercie infiniment. Oh! Comment vous exprimer ma gratitude?
-Maman, t’as l’air en plein délire, Fit Sarah. Calmes-toi et vas te reposer. Je sais pas ce que t’as, mais t’es vachement dérangée…
-Arrête de dire des bêtises. Retrouver ma petite fifille que je croyais morte, c’est vraiment la plus belle chose au monde. Maintenant, file! Il faut fêter ça!
-Un verre de champomy suffira.
Mme Coluzzi se mit à rire et invita Brigitte à partager ces retrouvailles.